GPS, Assistant Personnel de Mobilité et neurophysiologie
Déjà abordé en détail dans la MétaNote 10, l’Assistant Personnel de Mobilité (APM) condense, aspire les savoirs nécessaires à notre mobilité multimodale. Il permet d’externaliser, comme nous l’apprends Michel Serre, des fonctions cognitives, simplifiant nos décisions, nos changements de modes de transports. Mais cet APM va modifier complètement notre rapport à l’espace, puisque nous serons partout, tout le temps, en « terrain connu ». Donc nos mobilités …
Stéphanie Vuillemin analyse finement les changements engendrés par les GPS sur notre perception des territoires, sur les représentations des espaces dans les pratiques quotidiennes (voir ICI). Le GPS, première étape bientôt totalement intégré à nos APM, révèle des indicateurs « inédits » en lieu et place de la distance cartographique : temps, coût, bilan environnemental, rendant possible d’autres optimisations. Le GPS est complété par une multitude d’informations apportées par l’ouverture des données publiques (voir ICI l’article des échos 1er mars après Rennes, Paris, Nantes, Bordeaux et Montpellier ouvrent leurs données publiques). Le GPS « transcende » les échelles, peut permettre d’anticiper totalement un déplacement et surtout de se comporter comme si tous les territoires nous étaient familiers. Ces derniers ne sont plus, comme l’indique Stéphanie Vuillemin, « traversés de la même façon, […] l’utilisateur devient familier de régions jamais visitées, se sentant en sécurité dans un espace inconnu, capable d’intégrer à son parcours les imprévus et les déviations impromptues. L’utilisateur de GPS perçoit et occupe l’espace de façon anticipée ».
Cette déformation apparente va encore s’estomper sous les progrès de la réalité virtuelle, de la précision des représentations graphiques et de la géolocalisation. L’APM pourrait ici nous donner l’illusion réelle d’être partout en terrain connu, apportant un calque sur la réalité pour la rendre familière. Cet outil externe n’en sera pas néanmoins complément intégré à l’humain. Comme l’indique Jean Pierre Warnier, Ethnologue EHESS lors de la conférence sur la mobilité organisée par la fondation TUCK, « les frontières anatomo-physiologiques de l’humain ne s’arrêtent pas à l’épiderme. Elles englobent et incluent les choses matérielles qui sont tour à tour incorporées et désincorporées. »
Ainsi, « apprendre l’usage d’un mode de transport consiste à mettre au point par apprentissage des algorithmes sensorimoteurs qui s’inscrivent durablement dans la neurophysiologie du cerveau ». Mais dès lors que nous avons externalisé une partie de nos fonctions cognitives dans l’APM, l’apprentissage de la multimodalité assistée conduira à de nouvelles formes de sollicitations sensorielles, de nouvelles représentations spatiales de nos territoires et donc de nouveaux usages de modes de transports. L’humain complété de son APM, devenu cyborg, n’utilisera plus les transports de la même façon car ses représentations du territoire et du temps auront changé.
D’un point de vue plus général, Sarah Carvallo, maître de conférence en philosophie à l’Ecole Centrale de Lyon, nous détaille dans un article passionnant (voir ICI) ces changements. « Dès que nous introduisons de nouvelles formes de réalités telles que […] les cyborgs, cela crée de nouvelles interactions à la fois avec ces nouvelles réalités et entre nous en tant qu’humains. »
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