Certains ont compris que les données ne sont qu'un carburant pour mieux comprendre les changements de comportements
Plusieurs articles ont déjà été rédigés sur le rôle clé des données pour faciliter la multimodalité, le passage d'un mode à l'autre. Ceci nécessite un premier niveau de production de données temps réel des différents modes, de protocoles d'échanges et de partages, de mise en commun. De nombreux acteurs travaillent ce sujet, des avancées sont visibles tous les jours (exemple la RATP), une directive européenne sur les ITS est en cours de transposition.
Un second niveau consiste à utiliser les données d'usage des différents modes pour construire des modèles prédictifs et commencer à apprendre comment les citoyens se déplacent avec les différents modes de transports. Les données "temps réel" sont utilisées pour prévoir le futur qui à son tour modifiera les comportements au présent. Par exemple, Google vient de déployer dans de nouvelles villes sur Google Map, l'information Trafic. Pour cela, des données remontent des smartphones Android pour estimer les vitesses temps réel, donc les flux. Google confirme là le besoin d'avoir, à la fois, de puissants outils numériques, mais également des capteurs physiques qui remonteront des données tout en apportant à l'usager "en retour" une information contextualisée. Ce second niveau "domine" le précédent car il va utiliser le déluge de données pour construire des connaissances ayant une valeur ajoutée supérieure.
Un troisième niveau a déjà émergé. Il consiste à équiper les objets ou les services de processus permettant d'analyser, de comprendre les usages déjà modifiés par le second niveau pour re-concevoir les objets et les services "en permanence". InternetActu a publié sur son blog un article concernant le domaine de la "quantification de soi" par le numérique. De nombreuses analogies sont possibles avec la mobilité. Les données remontantes peuvent être mises en forme pour produire de nouvelles connaissances permettant à leur tour de modifier nos comportements, nos usages. BJ Fogg a fondé le laboratoire des technologies persuasives à Stanford, et travaille sur les mécanismes de compréhension des changements de comportements. Il a développé une théorie basée sur la Motivation, la Capacité et le Déclenchement, et un outil interactif.
Le numérique permet dès lors de visualiser, de quantifier, de comprendre les boucles "complètes" avec le minimum de perturbation par le matériel de mesure. Les services pourraient dès lors s'auto-adapter aux comportements réels, aux usages, apprendre les lois d'influence des différents contextes et territoires pour re-concevoir. La compréhension de ces boucles retroactives est essentielle, mais potentiellement terriblement dangereuse.
E.Morin dans son ouvrage La Méthode et Introduction à la pensée complexe, nous confirme que notre monde est complexe et qu'il faut garder cette complexité pour conserver les liens et retroliens car ce sont précisement eux qui nous constituent. L'Homme, machine non triviale, est un concentré de paradoxes qui conditionnent nos comportements. Vouloir les comprendre est ambitieux, légitime pour guider les changements, mais qui disposera et contrôlera ces nouveaux savoirs ? que souhaitons nous changer ?
Cette intrusivité au plus près de ce qui nous caractérise permettra potentiellement de rendre visible certains de nos paradoxes pour mieux se comprendre, et revoir nos comportements engageant alors une boucle vertueuse. Mais d'un autre coté, cela ouvre une porte à tous les acteurs marchands pour déployer de nouvelles techniques de marketing d'une grande efficacité. Cela a déjà commencé. Là encore, il faudra inventer de nouvelles règles pour se protéger, pour fournir de nouvelles connaissances "maîtrisées" aux designers et tenter de bénéficier des opportunités.
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