Lien santé / mobilité active, vers l'autosurveillance généralisée ?
Plusieurs notes ont été rédigées sur le sujet de la surveillance (Métanote N°3 et Reloaded) . Le numérique, technique dominante, permet de relier des domaines autrefois non connectés, de surveiller profondément les comportements, de tracer les actes quotidiens et également d'apporter des informations contextualisées à hautes valeurs ajoutées. Par effet miroir, la sousveillance se déploie également.
Plusieurs notes ont été rédigées sur le rôle majeur des assureurs (lire l'article Du café des Lloyd's), structures centrées sur la connaissance des risques, donc des usages et des pratiques. En 1688, Edward Lloyd ouvre un café en plein cœur du quartier des affaires de la City, et s’efforce d’attirer la clientèle des marchands en leur fournissant des informations sur les déplacements des bateaux de sa majesté, Elisabeth I. Les assureurs ont toujours, par l’accès à l’information et la compréhension des risques, permis le développement de nouvelles activités, engendrant de nouveaux comportements.
AXA vient d'annoncer le lancement d'un service visant à récompenser les activités physiques, DONC les mobilités actives. Cette offre décrite dans le blog Numérama, reprends une initiative américaine : Aetna, compagnie d'assurance, lance une première application traçant votre activité physique pour bénéficier de réduction sur votre mutuelle de santé.. Elle intègre dans la technologie le lien santé/mobilité.
Quand certains questionnent encore les bénéfices sanitaires et financiers des pratiques de mobilités actives, AXA démontre que ces connaissances sont établies. Quels sont les futurs portés par cet exemple ? Et si ce n'était là que les premières phases d'une mutation plus profonde ?
Changer de comportement
Plus vous marchez, plus votre capteur numérique l'enregistre, plus votre santé s'améliore plus cela vous "rapporte" et plus AXA y gagne en réduisant statistiquement vos dépenses de santé et probablement également vos dépenses de transports (assurance voiture). Et si, par ce biais, AXA n'était pas le meilleur promoteur des pratiques de vélo et marche pour aller au travail ? Est ce complémentaire, concurrent ou différent d'une approche de soutien au vélo basée sur une indemnité à l'usage (lire cet article sur le blog de l'ADEME concernant l'expérimentation de l'indemnité vélo) ?
Les changements de pratiques de mobilités apparaissent au centre des enjeux avec un angle énergie, environnement. Pour cela, plusieurs leviers peuvent être utilisés : du changement de comportement à l'engagement citoyen (lire cet article dédié), l'apport des sciences psycho-sociales (lire cet article dédié), l'exploitation des technologies numériques pour créer de nouvelles données (lire cet article dédié) et finalement questionner l'objet lien mis en oeuvre (lire cet article sur la peur, la proie ou l'Art ?).
Vers l'autosurveillance
La donnée numérique se positionne comme un paramètre majeur des innovations (lire cet article Que savons nous du pouvoir de la donnée ?). La valeur de la donnée produite n'est pas connue "à priori", quand elle est produite. Sa valeur ne viendra que dans l'hybridation, le croisement qui seront faits, éventuellement par d'autres persones, avec d'autres données. La valeur est donc déterminée "à posteriori", dans le flux. Ceci est essentiel à comprendre, car en conséquence, les modèles d'affaires sont donc particulièrement délicats à établir au départ. D'autant que c'est bien l'accès à cette donnée qui permettra de réaliser un outil;
Dans ce futur d'autosurveillance de soi via un tiers et des outils numériques, plusieurs acteurs se positionnent. Ils viennent du monde du sport comme Nike, des fournisseurs d'objets connectés, des acteurs nouveaux centrés sur les incitatifs comme CitéGreen ou encore des pouvoirs publics qui, par la loi, peuvent obliger la mise en oeuvre de système de surveillance (lire cet article sur les boites noires dans les voitures aux USA). Cette vision d'un système de bonus/malus généralisé et généralisable est bien sûr fortement questionnable. L'objectif est ici de montrer que certains acteurs y ont intérêt.
Quel serait alors les dispositifs communs permettant de maximiser l'usage du numérique et de contenir les risques ?
Vers une gestion "active" des données personnelles
Cet article de Valérie Peugeot (Orange Labs, VECAM) concernant les données personnelles est essentiel. Il est présenté quatre pistes concernant la gestion des données personnelles dont plusieurs conduisant à des impasses. Une des pistes à retenir concerne la création de commun associé à des faisceaux de droits juridiques, permettant notamment "Une ouverture de la donnée individuelle à un tiers sur base d’une autorisation explicite de la part de l’individu coproducteur, en échange d’un service". Cette approche peut être combinée à la notion de Privacy by Design venu du Canada qui peut se définir par 7 principes de bases (lien vers l'article) : "ensuring privacy and gaining personal control over one’s information and, for organizations, gaining a sustainable competitive advantage".
Il s'agit des premiers exemples d'usage de données personnelles au croisement de plusieurs domaines. Plusieurs vagues vont suivre. La santé et la mobilité sont liées avec ou sans numérique. N'attendons pas que seuls les acteurs marchands s'emparent de ce sujet. Plus l'asymétrie sera grande vis à vis du citoyen, plus de nouveaux mouvements contre-culturel vont émerger sur ce sujet tant il est important. Il est également possible de changer sans rien attendre des autres, des acteurs marchands comme de l'Etat (lire cet article)
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